LO   CREUSEU

 

Bulletin N° 2                                             octobre 03


Sommaire

Editorial
Activités
Perspectives
A noter
Documents
- Voyage dans le temps, 1ère partie
- Histoire d'ina familli dous Monts dou Lyonnais


Editorial

Voici enfin le deuxième bulletin de l'AFPL. Grâce à la constitution de l'Association, c'est-à-dire grâce à vous, nous avons pu réaliser la grande première que fut la participation du Pays Lyonnais à la- Féta du Patoué à Cruseilles, en Haute-Savoie. Ceux qui ont été présents à la séance fondatrice de notre association se souviennent de la venue de Marc Bron et de son épouse, qui avaient fait le trajet depuis Cruseilles pour saluer notre association. On se rappelle la participation active qu'ils ont prise à nos prestations : dialogue comique en patois savoyard. Lo Creuseu N° 2 vous fournit divers témoignages sur cette rencontre internationale des 30 et 31 août, à laquelle 50 personnes du Pays Lyonnais ont pris part.


Activités

- Nous avons participé aux deux soirées Contes et Patois à la Maison de l'Araire, à Yzeron, les 27 et 28 juin. Dans la cour de la maison d'expositions de l'Araire, la trentaine de personnes qui ont participé à chacune de ces deux soirées ont pu oublier au frais la canicule qui régnait alors pour écouter les récits des Conteurs de l'Ouest Lyonnais, dont l'animateur est Michel Bournaud, et les patoisants qui sont venus se joindre à eux. Il est intéressant de constater que de telles séances, auxquelles viennent assister des gens qui n'ont jamais eu de contact avec notre francoprovençal, suscitent l'étonnement et l'intérêt pour une culture dont ils ne soupçonnaient pas l'existence et l'importance. Il serait donc très utile de participer à des rencontres semblables, en particulier, si c'est possible, avec des scolaires ou des jeunes.

- Les rencontres de la 7èma féta du patoué, comme disent nos amis savoyards, ont eu lieu les 30 et 31 août à Cruseilles en Haute-Savoie. La presse s’en est fait l’écho, en particulier l’hebdomadaire l’Essor. Nous étions une cinquantaine du Pays Lyonnais, et la bonne ambiance n’a jamais cessé, y compris au cours de l’aller et retour en car, avec chansons patoises, contes et récits en continu. Nous avons été bien accueillis, de même que les groupes des régions avoisinantes de Savoie, d’Italie et de Suisse, et avons pu apprécier leurs prestations au cours des deux journées. La messe (en partie) en patois et le défilé dans les rues de la ville pavoisée étaient aussi au programme. Nous participerons l’an prochain à la fête, qui aura lieu cette fois dans le Piémont. Venez nous rejoindre si vous êtes tenté(e)s !

- Le 4 octobre, l'Association a été invitée à participer aux Forum des langues de France à Paris, organisé à l’initiative du Ministère de la Culture. La journée a été intéressante, nous avons eu des échanges non seulement avec le Ministre de la Culture et des hauts fonctionnaires, mais aussi (et surtout) avec des représentants des diverses « langues minoritaires » de France. Notre langue était représentée par Jean-Baptiste Martin, chercheur et directeur de l’Institut Pierre-Gardette, Dominique Stich, chercheur également et éditeur du Dictionnaire du Francoprovençal, concernant toutes les variétés de cette langue, qui doit paraître prochainement, Marc Bron (Savoie) et Claude Longre. Nous vous ferons un compte-rendu plus détaillé dans le prochain bulletin.


Perspectives

- Le vendredi 21 novembre à 20h, nous sommes invités par la toute nouvelle Maison de Pays de Saint-Martin-en-Haut à une soirée patois dans le cadre de l’exposition sur la vie paysanne de notre région. Nous assurerons l’animation, et vous y êtes cordialement conviés.

- Le 6 décembre à 15h, séance de patois traditionnelle à Yzeron, Maison Bellevue (place de l'Eglise, à droite au 1er étage) à laquelle tous les patoisants sont conviés. Depuis 1992, un groupe de patoisants organise à Yzeron des rencontres où ceux qui le désirent viennent chanter, conter, dialoguer, et qui se terminent par un goûter amical. Vous êtes tous amicalement invités. Lorsque nous serons rodés, nous organiserons dans différentes communes des rencontres de ce genre. C'est là, bien sûr, le rôle essentiel de notre Association. Si vous avez l’intention d’organiser quelque chose dans votre commune, prenez contact avec l'un des membres du conseil d'administration, et nous vous prêterons notre concours. Il suffit de commencer, le succès viendra !

- Nous rappelons que la MJC de Saint-Martin-en-Haut organise deux lundis par mois en soirée une initiation au francoprovençal sous formes d’activités collectives (récits, chants, traductions...). S’adresser à Christian Fournel, MJC, Place du Plon.


A noter

- Nous rappelons la publication de : "Lo patois de vé chi ne" (le patois de chez nous), 20 €, qui contient des textes et leurs enregistrements sur CD. Vous pouvez le commander à la MJC de Saint-Martin en Haut, Place du Plon.

- l'Institut Pierre-Gardette, 22 rue du Plat à Lyon, est le plus important centre de documentation en francoprovençal. On y trouve tout ce qui a été écrit sur notre patois et les patois voisins, et tout ce qui a été édité dans cette langue depuis des siècles. L'institut est ouvert tous les après-midi de semaine de 14h30 à 18h.

- Notre site internet peut être consulté sous l'adresse http://nontra.lingua.free.fr/

- Dans plus d'une famille, on a conservé les carnets ou les documents patois d'un ancêtre. Songez bien que ces écrits, ces livres épuisés maintenant sont non seulement irremplaçables, mais aussi qu'ils sont un bien culturel qui nous concerne tous. Bien sûr, gardez-les précieusement ! Mais donnez-nous la possibilité de les reproduire et de constituer une bibliothèque accessible à tous. Nous avons déjà un certain nombre d'ouvrages et de manuscrits, par exemple un dictionnaire inédit du patois de Pomeys. Ecrivez et donnez-nous aussi ce que vous avez en mémoire ! N'ayez aucun souci pour l'orthographe, c'est une question qui se règle aisément.

Et surtout, tenez-nous au courant de toute idée, de tout projet qui existe ou vous intéresserait. Faites circuler ce bulletin, expliquez (à ceux qui en douteraient encore) que notre francoprovençal n'est pas un langage à oublier, mais une langue régionale de France qui a son caractère particulier, son propre vocabulaire, sa grammaire et sa littérature, qu’il faut non seulement l’empêcher de disparaître, mais trouver les moyens de le faire vivre, ne serait-ce que pour notre propre plaisir !


Documents

Voyage dans le temps, 1ère partie

Les œuvres de Marguerite d'Oingt

Sainte Marguerite d'Oingt, née à Oingt en Beaujolais, tout près de notre Pays Lyonnais, prieure de la Chartreuse de Poleteins en Dombes (qui a disparu aujourd'hui), commence à écrire ses Méditations en 1286. Chose rare alors pour une femme, elle est cultivée et écrit habituellement en latin, qui est la langue des clercs (hommes !) du Moyen-Âge. Pour des raisons que nous ne connaissons pas, elle rédige ses visions mystiques, très émouvantes, dans une langue qui est celle de son enfance, le francoprovençal, mêlée au français qui à cette époque déjà est la langue dominante. C'est ainsi que nous pouvons lire le plus ancien texte rédigé dans notre langue régionale, il y a plus de 800 ans. Il semble que ce texte (on le constatera dans les termes de ce passage, où la religieuse, par humilité, ne se nomme pas, mais parle d'una persona que je cognoisso) fut conservé grâce au prieur d'une Chartreuse du Gard, celle de Valbonne, qui existe d'ailleurs toujours et fournit un excellent vin (Chartreuse de Valbonne, Saint-Paulet de Caisson, Gard - publicité gratuite !). Voici donc un extrait que nous commentons brièvement. Un texte religieux du XIIIe siècle n'est en effet pas d'un accès évident ! Cette vision ( début du chapitre 3) est tirée d'un livre intitulé Speculum (le Miroir).

 
Oy no ha pas mout de tens que una persona que je cognoisso eret in oreyson ou devant matines, ou apres, et comenciet a pensar en Jhesu Crit, coment il se seit à la dextra par de Deu lo pare. Et tanto son cuors fut si elevas que oy li fut semblanz que illi fut en un lua qui eret plus granz que toz li monz et plus reluysanz que li solouz de totes pars ; e eret pleins d'unes genz que erunt si tres beles et si tres glorioses que bochi d'ome non ho porroyt recontar.
 

Entre le autres oy li fut semblanz que illi vey Jhesu Crit si tres glorious que cuors ne porroyt pensar, qui eret vestiz de cella gloriousa roba qu'il prit el tres noble cors de Nostra Donna. En ses tres nobles mayns e en ses pies appareyssant les glorioses playes que il suffrit per amour de nos. De cel glorious pertuis sallit una si tras granz clarta que co eret uns granz ebaymenz assi come si tota la beuta de la divinita salit per mey. Ices glorious cors eret si tres nobles et si trapercans que l'on veoyt tot clarament l'arma per dedenz. Cil cors eret si tres nobles que l'on si poit remirer plus clarament que en un mirour. Ciz cors eret si tres beuz que l'on y veit los angelos et los sains assi come se il fussant peint en lui. Sa faci eret si tres graciousa que li angel qui l'aveiant contempla de que il furont crea non se puyant solar de luy regardar, mais lo desirravont a regardar.
 

 
Il n'y a pas longtemps, une personne de ma connaissance était en oraison avant matines ou après. Elle se prit à penser à Jésus-Christ, comment il est assis à la droite de Dieu le Père. Et soudain, son cœur fut ravi à tel point qu'il lui sembla être en un lieu plus grand que le monde entier, et plus brillant de toutes parts que le soleil ; et il était pleinde gens si beaux et si glorieux que bouche d'homme ne le pourrait raconter.
 

Entre autres il lui sembla voir Jésus-Christ si glorieux qu'il n'y a cœur humain capable de le concevoir. IL était vêtu de ce glorieux vêtement qu'il prit dans le très noble corps de Notre-Dame. Sur ses très nobles mains et sur ses pieds apparaissaient les glorieuses plaies qu'il souffrit pour l'amour de nous. De ces glorieuses blessures jaillissait une clarté si grande qu'on en était étonné : c'était comme si toute la beauté de la divinité passait à travers. Ce glorieux corps était si noble et si transparent que l'on voyait très clairement l'âme à l'intérieur. Ce corps était si noble que l'on pouvait s'y voir plus clairement que dans un miroir. Ce corps était si beau que l'on y voyait les anges et les saints comme s'ils y étaient peints. Son visage était si gracieux que les anges qui le contemplaient depuis leur création ne pouvaient se rassasier de sa vue, mais avaient le désir de le regarder.
 

(référence de l'extrait : LES ŒUVRES DE MARGUERITE D'OINGT, publiées par Antonin Duraffour, Pierre Gardette et Paulette Durdilly, Société d'Editions "les Belles Lettres" Paris 1965. On peut se procurer l'ouvrage à l'Institut Pierre-Gardette à Lyon.)

Permettez-nous un bref commentaire. Certes, la littérature de cette époque est difficile d'accès, et on pourrait penser qu'il faut un bagage de latiniste et de médiéviste pour y accéder. Mais il s'agit là, chose rare, des visions d'une jeune femme, certes noble (gloriousa, gracious, noble abondent), mais sincère et éblouie par ce qu'elle voit. Les mêmes mots reviennent sans cesse, comme c'est le cas dans tous les textes du Moyen-Age, mais si nous les faisons résonner en nous, nous croyons entendre les accents de notre langue francoprovençale de maintenant, même si le texte est influencé par la langue française d'alors. Faut il citer le début : Oy no ha pas mout de tens que una persona que je cognoisso pour nous entendre presque parler : O n'a pôs bien de tin qu'ina parsona que je connusso. ou la fin du même passage : que bochi d'ome non ho porroyt recontar pour entendre aussi que bochi d'ome n'ou poreut racontô ?

(à suivre)


Histoire d'ina familli dous Monts dou Lyonnais

1. parmî épisodo...

 
Je m’in voué vos racontô in’histoire : la mina, o n’y a rin de rôro, o poreu étre çarte la voutra !

Je su naissu à Douarna in trenta-siè, mos parins étiant farmi à la Mura, su la rota de Saintji-Fai. I s’étiant mariô in vingte-dou et il ayant loyi na farma à la Ruillardjiri de San-Martji d’in Haut. Apré i bail de nouv’ ans, lo propriétéro loyi à sa gnici. Mos parints vegniront à la Mura, et in quaranta, you noviaux propriétéros voillant vindre et i djisiront à mos parints : je vos faran i prix d’amis. Ma môre fi à mon pôre : j’ons bin fa quôques économies, j’imprintarons lo resto ! Mon pôre repondji : o ne se fa pôs. Quonque los gins vant djire ! et los vétchà remodô à na trèsieuma farma (los tins ant bien changi depu). I montjiront vé lo Su à San-Martji et i restiront farmi tota you vià ! Et très coups il inleuviront lous grômins ! Il uyiront huit z ‘eufants : quatro garçons et quatre filles, dont na que murèssi in venant ou mondo et in’ autra que muressi à trente-nouv’ ans d’i cançar : l’éteu mariô, avoué doux eufants et i s’amôyant bien : mon biau-frôre ne se né jamé rebeutô.

Pa reveugnî à mos parints, avant de se mariô, il habitôyant quôsî jugnant, mé ma môre éteu ou Jayoux à Douarna et mon pôre à Frominteuri à Montromant, o n’éteu pô bien loin pa freuquantô ! i ne parloyant pô franc lo mémo patois et i murèssiront mé de cinquant’ ans apré, in parlant toujors you mémo patois !

O n’y a bin pro pa ué, si o l’accorde, o serà pa in’ autra vai !
 

 
Je m’en vais vous raconter une histoire : la mienne, il n’y a rien de rare, ça pourrait être certes la vôtre !

Je suis né à Duerne en 36, mes parents étaient fermiers à la Mûre, sur la route de Sainte-Foy. Ils s’étaient mariés en 22, et ils avaient loué une ferme à la Ruardière à Saint-Martin en Haut. Après un bail de neuf ans, le propriétaire loua à sa nièce. Mes parents vinrent à la Mûre, et en 40, leurs nouveaux propriétaires voulaient vendre et ils dirent à mes parents : on vous fera un rpix d’amis. Ma mère fit à mon père : on a bein fait quelques économies, on empruntera le reste ! Mon père répondit : ça ne se fait pas. Qu’est-ce que les gens vont dire ! et les voilà repartis à une troisième ferme (les temps ont bien changé depuis). Ils montèrent au Suc à Saint-Martin et ils restèrent fermiers toute leur vie ! Et trois fois, ils enlevèrent les chiendents ! Ils eurent 8 enfants : 4 garçons et 4 filles, dont une qui mourut en venant au monde et une autre qui mourut à 39 ans d’un cancer ; elle était mariée, avec deux enfants, et ils s’aimaient bien : mon beau-frère ne s’en est jamais remis.

Pour revenir à mes parents, avant de se marier, ils habitaient presque à côté, mais ma mère était au Jayoux à Duerne, et mon père à Fromenterie à Montromant, ce n’était pas bien loin pour fréquenter ! ils ne parlaient pas tout à fait le même patois et ils moururent plus de cinquante ans plus tard, en parlant toujours leur même patois !

Il y en a bien assez pour aujourd’hui, si ça accorde, ça sera pour une autre fois !
 

(à seugre !)


..... si vous désirez inviter des amis à se joindre à nous, faites remplir le bulletin ci-dessous :

A découper et envoyer à l'association :

"Les Amis du Francoprovençal en Pays Lyonnais", Mairie d'Yzeron, 69510 Yzeron


Je désire adhérer à l'Association des Amis du Francoprovençal en Pays Lyonnais. Je joins la somme de 10 € (chèque bancaire ou CCP) à l'ordre de l'AFPL

Nom  ______________________

Prénom  ____________________

Adresse  ____________________

 

 

siège : Mairie d'Yzeron - 69510 Yzeron
contact : Claude Longre
Tél. / 04 78 23 50 81
E-Mail : c.longre@laposte.net


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